L'hommage à Ramon Llull par Antoni Tàpies présenté dans le cabinet d'art graphique XXe siècle

Lier l’esprit et la matière, voilà comment Antoni Tàpies conçoit la création artistique tout au long du XXe siècle. C’est dans cette idée qu’il crée entre 1973 et 1985 vingt-cinq estampes en hommage à Ramon Llull.

Alors que le repos est prescrit à Tàpies en raison de sa santé fragile en 1940, l’artiste se plonge dans l’œuvre foisonnante de Ramon Llull. Penseur catalan incontournable du XIIIe siècle, Ramon Llull devient un éminent membre de la cour du roi Jacques 1er d’Aragon. Poète, philosophe, théologien, il se convertit vers 1263 et consacre alors sa vie à l’écriture, et fait de la conversion des juifs et des musulmans à la religion catholique un axe majeur de sa vie spirituelle. Profondément inscrit dans les questionnements religieux de la période de la Reconquista, Llull écrit le Livre de l’Ordre de la Chevalerie, ouvrage majeur de la pensée médiévale.

Llull est également célèbre pour être l’un des grands promoteurs de la langue et de la culture de Catalogne, région où il est toujours célébré aujourd’hui.

 

Antoni Tàpies mêle les différentes techniques de gravure : aquatinte, eau-forte, vernis mou et utilise les collages. C’est ici le bon à tirer (BAT) de cette série qui est présenté. Il s’agit donc d’une épreuve unique qui laisse apparaître en plusieurs endroits les demandes de modifications avant le tirage définitif. L’ensemble des textes, numérotés de I à XVIII sont des extraits d’ouvrages de Ramon Llull. Ces textes furent sélectionnés par Pere Gimferrer qui assura l’introduction de l’ouvrage alors que la conclusion était rédigée par Miguel Batllori. L’ouvrage demeure l’aboutissement d’une longue réflexion et mise en forme de la part de Tàpies entre 1973 et 1985.

Outre cette technique virtuose, Tàpies fait en sorte de nous offrir sa vision personnelle du grand savant médiéval, en particulier en figurant une sorte de manuscrit à moitié calciné couvert d’une sorte d’écriture incompréhensible, suite de signes et de glyphes participent de ce vocabulaire si propre à Tàpies et qui suggère à la fois l’immédiateté, le jaillissement de l’idée à peine transcrite par la main de l’artiste. En même temps qu’un hommage à Ramon Llull, Tàpies s’inscrit ainsi dans son héritage et sa modernité.

 

Antoni Tàpies (1923-2012), Llull - Tàpies, 25 gravures, entre 1973 et 1985, Edition Lelong, Paris, Musée Goya, Castres