Les M.N.R. du musée Goya

Entre 1933 et 1945, de nombreuses œuvres d'art et de biens culturels ont été spoliés par les nazis. Si beaucoup d'entre eux ont été restitués à leurs propriétaires légaux à la fin de la guerre, l'histoire d'environ 2000 d'entre eux est encore très floue. En 1949, un décret déclare l'Etat dépositaire de ces objets qui doivent être rendus à leurs propriétaires. Désignés sous le nom de Musée Nationaux Récupération (M.N.R.) , ces objets sont inscrits sur des inventaires spécifiques.

En 2019, la Mission de Recherche et de Restitution des biens culturels spoliés entre 1933 et 1945 (M2RS) est créée par le Ministère de la Culture. Elle est chargée de piloter et d'animée la politique publique de recherche, de réparation et de mémoire des spoliations de biens culturels. Formant et finançant les professionnels et acteurs de cette recherche, la mission participe activement à ces recherches.

La base Rose-Valland (du nom d'une conservatrice et résistante ayant participé à recenser et protéger de nombreuses œuvres à cette période), régulièrement enrichie, est un outil majeur pour ces recherches. D'autres bases comme "Lost art" existent également.

Au musée Goya, trois tableaux "M.N.R." ont été déposés.

Francisco Bayeu y Subías (Saragosse, 1734 - Madrid, 1795)
Portrait d’homme
Huile sur toile
H. 0,96 m ; L. 0,75 m
Inscription sur le billet : « A Dn F... O//qn Dios año en // Ax... as »
Inv. D-54-5-1 - MNR 328

Notice de la base Rose-Valland

Œuvre dont l'historique est incomplet entre 1933 et 1945, en l'état des recherches actuelles.

 Historique :

Dépôt du Musée du Louvre en 1954 

Francisco Bayeu, descendant d’une famille noble aragonaise, a joui en son temps d’une très grande renommée : on le disait l’Apelle espagnol. Elève de Merclein, dont il avait épousé la fille Sebastiana, il a aussi suivi, comme Goya, l’enseignement de José Martínez Luzán qui avait été le disciple de Corrado Giaquinto. Ceci explique sans doute l’influence notable d’Antonio Gónzalez Velázquez, autre élève de Giaquinto, sur Bayeu, impressionné par la décoration de la basilique du Pilar de Saragosse (coupole de la chapelle miraculeuse - 1753).

En 1758, Bayeu obtient une bourse de l’Académie San Fernando pour parfaire sa formation à Madrid sous la direction de Gónzalez Velázquez. De retour, deux ans plus tard en sa ville natale, Bayeu reçoit de multiples commandes pour les églises (chartreuse de l’Aula Dei). En 1763, date de sa rencontre avec Rafaël Mengs, débute le programme de décoration du Palais Royal de Madrid qui se poursuit jusqu’à sa mort. De la sorte, le beau-frère de Goya évolue au contact du peintre du roi, tenant du classicisme vers un style académique. En tant que peintre de fresques, ses meilleures réalisations sont les voûtes (Regina Sanctorum et Regina Angelorum - v. 1776) ainsi que les coupoles (Regina Apostolorum et Regina Prophetarum - 1780), du Pilar, chantiers marqués par une très vive opposition à Goya. Le cloître de la cathédrale de Tolède, décoré de 1776 à 1784 en collaboration avec Maella, marque le juste équilibre entre les tendances du classicisme et du baroque finissant. Peintre de la Chambre en 1765, il devient Directeur de la peinture à l’Académie San Fernando en 1788. Directeur général de l’Académie en 1795, il meurt la même année libérant le poste de Premier peintre que Goya pourra obtenir quatre ans plus tard.

Bayeu s’est peu exercé dans le genre du portrait, contrairement à son beau-frère. Les exemples qui nous sont connus (Portrait de Feliciana Bayeu, Musée du Prado) sont de grande qualité, dotés d’une approche psychologique certaine. Ainsi le Portrait d’homme, malheureusement non identifié en raison de l’inscription illisible sur le billet, semble conforter cette tendance. Il s’agit d’un personnage d’âge mûr, au physique engageant et à la fière allure. Son costume chatoyant, habit bleu brodé d’or et gilet rouge cramoisi, est traduit au moyen de nuances lumineuses étudiées. Le visage, soigné, ne manque pas de justesse dans l’expression bienveillante ainsi que de sensibilité. Le fonds lui, laisse deviner un décor de draperies.

Gaspar de Crayer (Anvers, 1584 - Gand, 1669)
Pieter Snayers (Anvers, 1592 - Bruxelles, vers 1667)

Portrait équestre du marquis de Leganes, vers 1634
Huile sur toile
273,5 x 236,5 cm
Inv. D 51-6-1 / MNR 564
Œuvre récupérée à la fin de la Seconde Guerre mondiale, déposée le 4 mai 1951 par le musée du Louvre; en attente de sa restitution à ses légitimes propriétaires.

Œuvre dont l'historique est incomplet entre 1933 et 1945, en l'état des recherches actuelles. Œuvre en cours de restauration au C2RMF

Notice de la base Rose-Valland

Durant le XVIe et XVIIe siècle, les Habsbourg, maîtres de l’Espagne depuis l’avènement de Charles Quint en 1516 jusqu’à la mort de Charles II en 1700, règnent sur les Flandres. Les échanges artistiques entre ces deux pays sont constants et de nombreux artistes du Nord viennent travailler en Espagne et inversement.

Ce portrait des peintres flamands Gaspar de Crayer et Pieter Snayers, représente Don Diego Felipe de Guzman (1580-1655), vice-roi de Catalogne, duc de San Lucar Mayor, premier marquis de Leganes. Homme politique et militaire espagnol important, il fut capitaine général des armées du roi d’Espagne Philippe IV (1605-1665) et gouverneur des Pays-Bas. En 1627, il est envoyé par le Roi en Belgique pour lever une armée de 1 200 hommes qui devait se joindre à une confédération de 4 000 hommes pour débarquer en Angleterre. Ce projet trop couteux fut finalement abandonné. Ce magnifique portrait équestre le représente au premier plan devant une armée en ordre de marche avec ses chefs, ses soldats, ses canons et ses étendards. Équipé d’une riche armure et tenant fièrement le bâton de militaire, il est coiffé d’un chapeau à la mode des Pays-Bas confirmant qu’il s’agit bien là d’une portrait d’apparat.

Ami de Rubens et de Van Dyck, à la tête d’un grand atelier Gaspar de Crayer est un peintre de tableaux d’histoire. Peintre du Roi et réalisa de nombreux portrait pour la cour de Madrid. Quelques années avant ce tableau daté vers 1635, il réalisa un Portrait équestre du Marquis de Leganes, 1627-1628 (GG9112) aujourd’hui dans les collections du Musée d’histoire de l’art de Vienne. Pieter Snayers fait partie de toute une génération d'artistes qui choisit de peindre les événements la guerre des Trente Ans (1618-1648), conflit majeur qui impliqua l’ensemble des puissances européennes. Il est particulièrement reconnu pour son approche topographique très précise. Peintre de la cour, il collabora également avec des peintres d'Anvers tels que Gaspard de Crayer ou Pierre Paul Rubens.

Retrouvé en 1946, par les Service de la Récupération Artistique, dans une mine de sel en Allemagne, ce tableau a été attribué au musée du Louvre par l’Office des Biens et Intérêts privés en 1950 et déposé au musée Goya en 1951.

ANONYME (ÉCOLE FLAMANDE, XVIIe siècle

 Religieuse avec saint Augustin, sainte Agnès et autres saints, dit autrefois Évêque avec sainte Agnès

 Huile sur toile
: 1,65 ; L. : 1,70 m
 Inv. D 53-1-1 / MNR 332

Œuvre récupérée à la fin de la Seconde Guerre mondiale, dont l'historique est incomplet entre 1933 et 1945, en l'état des recherches actuelles, déposée le 4 mai 1951 par le musée du Louvre; en attente de sa restitution à ses légitimes propriétaires. 

Œuvre dont l'historique est incomplet entre 1933 et 1945, en l'état des recherches actuelles.

 Notice de la base Rose-Valland

Anciennement attribué à Juan de Valdès Leal puis à Mateo Cerezo, ce tableau est désormais connu comme école flamande du XVIIe siècle. En 1986, l’historien de l’art Enrique Valdivieso a émis l’hypothèse de rattacher cette œuvre au corpus du peintre flamand Theodoor van Thulden (1606 -1669) qui a reçu de nombreuses commandes d’ordres religieux.

Les personnages constituant cette scène au cadrage serré ont tous pu être identifiés. Trois saintes sont ainsi représentées : sainte Apolline, vêtue en riche romaine, tient dans sa main droite l’attribut de son martyre, des tenailles avec lesquelles on lui arracha les dents ; sainte Agathe, à qui l’on coupa les seins, les présente fièrement sur un plateau et sainte Agnès. Cette dernière est reconnaissable grâce à la présence d’un agneau blanc en référence à son prénom et à la palme du martyre dans sa main droite.

Ces trois saintes richement vêtues et magnifiquement coiffées entourent saint Augustin tenant la crosse de l’évêque et le cœur enflammé. Il est accompagné de saint Francois d’Assise, portant sur sa main le stigmate de la crucifixion subi par le Christ.

Nous ne connaissons pas la destination de ce tableau mais la présence au premier plan d’une religieuse franciscaine en prière sans doute la supérieure d’un couvent, laisse penser qu’il s’agit bien d’une œuvre de commande à destination d’un monastère.